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Souterraines
Anthologie poétique. Choix et traduction du roumain par Linda Maria Baros
EditeurLa rumeur libre
CollectionLa Bibliothèque
Date de parution03/2018
ISBN/code barre978-2-35577-140-8
Format (mm)141 x 192
ReliureCahiers cousus, couverture avec rabats.
Nombre de pages80
Poids115 g
Ouvrage publié avec le soutien de l'Institut culturel roumain de Bucarest (Institutul Cultural Român)
Ouvrage publié avec le soutien de l'Institut culturel roumain de Bucarest (Institutul Cultural Român)
(4ème de couverture)
C’est ainsi que je vois Mircea Bârsilă. Drapé « jusqu’aux épaules », « jusqu’aux pensées entortillées comme des voies ferrées », dans les mots, dans la buée du vin, dans diverses beautés passagères et, surtout, dans la dialectique du ciel et de la terre. Comme un personnage de la bohème littéraire roumaine. Comme un personnage auréolé de mythe. Et je ne parle pas ici seulement du mythe urbain de la bohème. Je parle de mythe tout court, de celui qui l’habite et dont il boit tous les jours le double tranchant.
Puisque Mircea est de ceux qui lient et délient quotidiennement en poésie la vie et la mort, comme des sexes, qui scrutent leur vortex transformationnel. L’anthologie Souterraines est une descente vertigineuse, d’une saveur et d’une fi nesse rares, dans les couches les plus profondes de la métaphore et de notre âme mythique.
Linda Maria Baros
(extrait 1)
Le matin j’écris. Le jour j’écris. Je me réveille la nuit
et je me mets de nouveau devant la table à écrire.
Ma mère a raison quand elle vient me voir
et qu’elle brise, furieuse, mes manuscrits.
J’écris comme si, à force de vivre ainsi mon existence,
un nouveau siècle d’or devait descendre sur terre
après ma mort. Comme si l’épuisement
de l’écriture m’apportait
quelque joie ou, du moins, le soulagement
que devaient ressentir
autrefois les rois assyriens devant leurs femmes,
leur bétail chéri et les esclaves choisis
pour les suivre même dans l’au-delà.
Ma mère a raison quand elle vient me voir une fois
tous les quelques jours,
ma mère a raison quand le vendredi, une fois
tous les quelques mois,
ma mère a raison quand le samedi, une fois
tous les quelques siècles,
et qu’elle brise, furieuse, mes manuscrits dont coule
autant de sang que d’un dragon.
Elle vient et s’en va, tout comme le balancier d’une pendule,
elle vient et s’en va et aussitôt après,
très troublé par son chagrin,
je me mets de nouveau devant la table à écrire.
*
(extrait 2)
LES MOTS
J’ai aimé moi aussi une femme
— la seule femme que j’aie jamais aimée —
et puisque je me sentais coupable car les arbres avaient
des nœuds comme si leur existence était pleinement due
à mes sanglots répétés: elle a tiré le verrou
et s’est changée, elle aussi, en arbre.J’écris son nom
sur la crinière de zinc de chaque nuit.
C’est une chose bien connue :
les mots attirent le réel. Au-dedans de chaque nom
est aussi présent celui qui le porte. Je ne pourrais
être un arbre que jusqu’à l’automne, de même
que je ne souffrirais pas
de savoir que plus jamais je ne serai un enfant.
(Je pleurerais, bien sûr, aux éclats!) J’écris son nom
sur la crinière de zinc de chaque nuit et cela me suffit
pour l’instant et me suffira pleinement
tant que la seule raison qu’ont les enfants,
dans leur belle innocence, d’attendre l’âge adulte,
est de connaître le nom de toutes les choses.
« Qu’est-ce que c’est? » demande un enfant. On lui répond:
« Un arrosoir.» Et lui, il répète, heureux : un arrosoir.